Bitaco, la seule plantation de thé de Colombie, non seulement cherche à manufacturer des thés de plus en plus surprenants, non seulement suit le cahier des charges d’une plantation certifiée agriculture biologique, mais ici nous sommes chez des passionnés. Carlota, d’abord, l’une des propriétaires. Elle est en charge de la Fondation. Fan d’horticulture, d’ornithologie et de tout ce qui touche de près ou de loin à son merveilleux domaine andin, elle vit au milieu de fougères arborescentes, de dizaines d’espèces d’orchidées plus rares les unes que les autres, de nymphéas, arums divers et autres langues de feu qui composent un jardin botanique qu’elle a créé et auquel elle dispense ses soins quotidiens. Claudio, ensuite, qui élabore et déguste chaque jour de nouveaux thés avec une envie d’apprendre incroyable. Le thé de Colombie a de beaux jours devant lui.
Manufacture du thé
Dodik enseigne aux fermiers l’art de la manufacture
Un thé a forcément une saveur supérieure lorsque nous avons la chance de connaître celles et ceux qui l’ont fait naître, d’une part, en mémoire les paysages de champs de thé, de cette terre dont se nourrissent sur place les arbustes, d’autre part. Je vous présente Dodik. Il vit à Pacet, sur le plateau de Dieng, à une altitude d’environ 1.200 mètres. Après avoir visité chaque parcelle, observé chaque plant, chaque cultivar, il achète leur fraîche récolte aux paysans des environs et la transforme en thé vert, en thé noir, selon la qualité des pousses et ses besoins propres. Il apprend aussi aux paysans les gestes de la manufacture. Certains d’entre eux savent déjà produire des thés très rares. Et c’est Dodik qui, dans quelques mois, nous offrira le magnifique « Java Honey », un délicieux thé noir torrefié au charbon de coco.
Cercle vertueux
Le thé peut être récolté à la main plutôt que de façon mécanique, et ça fait toute la différence. Il reste difficile de prélever les feuilles avec des cisailles (hormis au Japon où l’on a mis au point des outils d’une précision extrême) et prétendre à une quelconque qualité. Certes, un thé issu d’une récolte manuelle va coûter dix à cent fois plus cher qu’un thé industriel, et parfois l’écart est plus important encore. Mais ce qu’il faut retenir, c’est l’opportunité qu’offre le grand cru, à savoir la mise en place d’un véritable cercle vertueux : plus les revenus des producteurs sont élevés, plus ces mêmes agriculteurs investissent dans la transmission d’un savoir-faire. Ils vont alors davantage chercher à obtenir une qualité qu’une quantité, il vont employer davantage de personnes qui resteront ainsi attachées à leur terre et à leur ruralité. Un grand thé offre ainsi à chacun l’opportunité de vivre en harmonie avec la nature.
Roulés en boule
Si vous prélevez la feuille d’un camelia sinensis et versez dessus de l’eau chaude, vous n’obtiendrez rien. La feuille de thé a besoin d’être malmenée pour rendre ensuite, au contact de l’eau, ses arômes, ses saveurs. Aussitôt après la cueillette, le producteur de thé va donc travailler ses feuilles, leur faire perdre la majeure partie de leur humidité, et éventuellement briser leur structure sans les briser elles-mêmes, afin que le jus contenu dans leurs multiples cellules en soit extrait. Voici l’une des machines dont l’on se sert ici, dans l’ouest de l’île de Java (Indonésie). Elle permet de serrer au plus fort un sac en textile bien rempli, et que l’on va ensuite placer entre deux disques de métal pour lui faire subir une forte pression. Très utilisé à Taiwan lors de la manufacture des oolong, cet outil sert aussi à fabriquer des thés verts que l’on souhaite rouler en boule.
Aux Açores, Clara et ses trésors
Sur l’archipel des Açores, des tentatives existent de manufacturer de délicieux thés à partir de récoltes manuelles et de cueillettes particulièrement fines. Les expérimentations ont lieu sur de petites parcelles nichées au cœur de l’île de Sao Miguel. Dans les locaux de l’institut de recherche agronomique, Clara fait subir à ses précieuses récoltes chacune des étapes de la fabrication du thé. A partir de divers cultivars, elle obtient des résultats remarquables. Si la quantité de thé manufacturée reste pour le moment confidentielle, j’ai hâte de pouvoir aider Clara et de futurs agriculteurs de l’île à faire connaître leur surprenante production.
Gorreana et Porto Formosa
Il existait autrefois quatorze plantations de thé aux Açores, il n’en reste aujourd’hui que deux. A Gorreana, une institution, les touristes se pressent aux portes de l’usine. Il faut dire que tout est d’époque et qu’il n’est pas si commun pour un Européen de pouvoir assister aux diverses étapes de la fabrication d’un thé. Non loin de là, Porto Formosa accueille aussi les curieux, et comme souvent aux Açores, avec une superbe vue sur l’océan. Ces manufactures anciennes produisent essentiellement du thé noir, mais aussi un peu de thé vert. Les récoltes sont mécaniques. Quant à la qualité de ces thés, disons qu’ils font la joie des visiteurs qui peuvent, infusion après infusion, revivre leur merveilleux périple sur un archipel de toute beauté.
Des pratiques variées
On peut penser que les règles qui définissent la couleur d’un thé sont strictes. Cela n’est pas toujours le cas. Ici, dans le Triangle d’Or, la mode est au mao cha, ce thé qui sert de base aux différents thés fermentés que l’on nomme dans cette région du monde les pu erh. Or, certains laissent le mao cha se flétrir une nuit durant avant de le fixer à la chaleur, de le rouler et enfin de le laisser une journée au soleil. Tandis que d’autres, sitôt la cueillette effectuée, travaillent les feuilles au wok durant une dizaine de minutes avant de les rouler à la main et les laisser sécher cinq à six heures en plein soleil.
Les maocha de Dara
Voyager c’est aller à la rencontre des autres et je suis heureux d’avoir fait la connaissance de Dara, la semaine dernière, dans les montagnes au nord de la Thaïlande. Le père de Dara dont la famille est originaire du Yunnan (Chine) a quitté Kunming à l’âge de 15 ans, accompagné de son jeune frère, pour rejoindre la ville de Fang. C’était en 1938. Il fuyait la misère. Il connaissait le thé. Il a trouvé à Pai un bon feng shui. Il s’y est établi. Dara est passionnée de thé et manufacture un délicieux maocha à partir de feuilles récoltées sur de vieux théiers. Sur cette photo elle pose avec Mie, son amie avec laquelle elle partage sa vie.
Des notes héspéridées
Du côté de Reggio di Calabria, au sud de l’Italie, la bergamote se récolte de novembre à février sur des arbres qui produisent chacun entre 80 kilos et 120 kilos de fruits par an. Cet agrume, très utilisé en parfumerie, donne au fameux earl grey ses notes hespéridés. Toutes les vallées de la région (ici, la vallée de San Carlo) vivent de cette culture et offrent des vues à couper le souffle sur la mer Ionienne ou le détroit de Messine.
378.000 euros le kilo
La question m’est souvent posée de savoir quel prix un thé peut atteindre. La réponse se trouve cette semaine sur le site de vente aux enchères de la maison Sotheby’s. Y sont proposés un lot de rares thés sombres dont le plus ancien remonte au début du XXème siècle. En effet, les thés de cette famille, lorsqu’ils ont été compressés en galette et bien conservés, ont la réputation de se bonifier avec le temps. Sur le site de la fameuse maison, l’un d’entre eux est estimé à pas moins de 900.000 dollars de Hong Kong la galette de 270 grammes, ce qui nous fait tout de même 378.148 euros le kilo. Si vous êtes intéressé, il faudra ajouter les frais de transport et vous dépêcher, les enchères prennent fin le 16 décembre.
Bonne nouvelle, un thé de cette qualité se laisse infuser plusieurs fois.