Cette tasse qui étincelle à la lumière du matin, je la choisis pour souhaiter à toutes et à tous une année heureuse. Une année apaisante dans un monde agité. Chacun son style et je n’aurais pas cru que cette tasse me convenait. Je la trouvais un peu poseuse sur son plateau d’argent, par-dessus une serviette amidonnée. Je lui trouvais un genre éloigné de mes goûts habituels. Jusqu’au moment d’installer le plateau du matin à même le drap. Jusqu’au moment de lui trouver de l’élégance, à cette tasse, du charme sous les premiers rayons du soleil. Cela se passe à Tbilissi. Dans une ancienne imprimerie transformée en hôtel. Chacun sa tasse, chacun son thé. Pourvu qu’il y ait toujours de la place pour la différence, pour l’écoute de l’autre. Pourvu que nous soyons davantage habités par le désir de comprendre plutôt que celui de juger. Par le désir de paix. Le thé nous relie. Le thé nous apaise. Belle et heureuse année 2025 !
Réjouissons-nous
En bon Français que je suis, il m’arrive sûrement de me plaindre plus souvent qu’à mon tour. Pester contre ceci, râler contre cela. Et pourtant, moi qui voyage une grande partie de l’année, dans des pays aussi différents que peuvent l’être un royaume himalayen, un pays andin, une terre de la vallée du Grand Rift, des pays qui n’ont pas notre chance et loin de là, en termes de niveau de vie, je suis bien placé pour savoir que la France fait rêver le monde entier, qu’elle constitue une sorte de paradis aux yeux de tant d’habitants de la planète. Et c’est vrai qu’il suffirait de pas grand-chose pour qu’elle le devienne, un paradis, la France, à la condition de se réunir, de travailler ensemble, dans la recherche de compromis, plutôt que de vouloir à tout prix jeter de l’huile sur le feu, préférer se battre que de s’entendre, penser que la violence va résoudre quelque problème que ce soit. Pourquoi sommes-nous toujours si à l’aise dans la protestation et n’envisageons-nous pas joyeusement de nous remonter les manches et de nous mettre à construire ? Mystère.
Le thé m’a ouvert à l’harmonie, à la recherche du point d’équilibre, à l’attention à l’autre. Et si nous regardions le monde autrement ? Le temps d’un thé, cherchons quelque chose à observer autour de nous. Et cette beauté-là, tout en portant en bouche le délicat nectar, contemplons-là, et réjouissons-nous.
Des arbres qui nous parlent
A l’heure où l’on ne voit pas bien clair du côté de Darjeeling dont les plantations subissent depuis de longues années une crise dont on aimerait voir la fin, je me promène dans d’autres régions de thé du nord de l’Inde. « La Nature est un temple où de vivants piliers laissent parfois sortir de confuses paroles », écrit Charles Baudelaire. Et ici, dans la vallée de Kangra, qui ne ressentirait pas cette présence ? Regardez comme ces arbres nous observent avec un regard familier ! Je ne sais pas si vous les entendez. A moi, ils me parlent.
La photo révèle
Parfois, la photo interroge. Au moment de déclencher, il se peut que celui qui est à la manœuvre de l’autre côté de l’objectif, son boîtier bien en main, ne voit pas l’essentiel. Il est absorbé par son sujet, attend la bonne lumière, cadre, règle la vitesse d’obturation et la profondeur de champ. Et c’est seulement une fois la photo affichée sur toute la surface de l’écran d’un ordinateur que la chose lui saute aux yeux. Ici, par exemple, ce que je découvre c’est l’absence d’arbres. Sur le moment je n’ai rien vu. Comment est-ce possible ? Et comment peut-on déboiser de la sorte, cultiver de façon aussi intensive sur des collines à ras ?
Mais ce que je retiens surtout ici c’est ce mystère de la photographie qui agit parfois en deux temps, une réponse à une attirance pour des formes, des couleurs, en premier lieu. Puis quelque chose de plus profond qui se révèle ensuite.
Le culte et l’inculte
Cette photo offre une vision heureuse, à mon humble avis. On y trouve des théiers s’épanouissant au sein d’une végétation dense. Un relief accidenté, forcément pentu, des arbres nombreux, d’essences variées… Une belle harmonie entre le culte et l’inculte, entre le cultivé et le sauvage, j’entends. On imagine bien la richesse de la faune et de la flore au sein d’une telle diversité. Et pour le photographe que je suis ou que je tente d’être, une seule couleur ou presque, dirait-on au premier coup d’œil, mais à y regarder de plus près, quelle multitude, quel choix dans les verts. Et quoi de mieux que cette profusion de verts pour fêter le printemps ?
Vivre mieux
Partout sur notre planète des hommes et des femmes cultivent la terre. Et rien de tel que d’être en contact avec eux pour se rendre compte de la difficulté de leur travail. Passer du temps ensemble permet de prendre conscience de leurs conditions de vie. Cela reconnecte à l’essentiel et surtout donne envie de parler d’eux, de mettre en avant leurs gestes, leur cueillette, leur savoir-faire. Bref, de les aider. Les aider ici, par exemple, à manufacturer des thés plus intéressants sur un plan gastronomique, des thés qui leur rapporteront davantage. Donc les aider à vivre mieux, les aider à élever plus facilement leurs enfants, les aider à bénéficier de soins meilleurs, aider à regarder l’avenir avec confiance et assurer ainsi une pérennité à ce beau travail de la terre.
Se préparer au thé
Il y a la préparation du thé et il y a la préparation au thé. Lorsque je me prépare un thé, je me prépare aussi au thé. Cela signifie que je ralentis mon rythme, je prends le temps de souffler, comme on dit. Je mets entre parenthèses toute préoccupation que je peux avoir, je me donne de la légèreté. Je concentre mon attention sur un objet qui m’est cher, une émotion positive, ou encore un beau paysage, comme ici. Une vue sur un jardin. Et pendant que mon thé infuse, et pendant que je le déguste, me tenant bien droit et détendu à la fois, je suis apaisé.
Un thé qui nous apaise
Parfois je m’interroge à propos de ce que le thé m’apporte. Pourquoi me fait-il tant de bien ? Aujourd’hui je fouille dans mes photos pour alimenter ma réflexion. Et je tombe sur ce cliché, pris au bord du Gange. Lorsque je le contemple, je ressens exactement ce même apaisement que celui que me procure la dégustation de mon breuvage favori. Me voilà donc rendu où je voulais, à la définition de cet apport du thé, son bienfait : le thé m’apaise. Lorsque je me prépare un thé, lorsque je tiens la tasse dans mes mains, déjà je me détends, je ferme les yeux, je me concentre et me sens devenir libre. Je me détache des choses, brise d’invisibles liens qui me contraignent. Comme cette silhouette, cet homme-oiseau qui embrasse le ciel et s’affranchit de toute pesanteur. Le thé, un appel à l’apaisement.
Tea reporter
Avant de travailler dans le thé, il y a donc de cela plus de trente-six ans, j’ai eu envie de devenir journaliste. Et depuis cette époque je mêle à ma façon ce vieux rêve et mon activité, en l’occurrence ma recherche de thés rares. Je m’essaye au reportage. D’où ce blog, entre autres. Ou encore ce podcast « Un thé, un voyage », qui me donne lui aussi la chance de pouvoir vous emmener en voyage.
Ici, lorsque je tombe sur des villageois qui vivent dans un tel dénuement, c’est le reporter qui prend le dessus et qui se demande, est-ce que le thé que l’on récolte ici les aide à vivre, ces villageois, et sans le thé ça serait pire encore ? Ou bien est-ce que le thé – un thé de piètre qualité qui ne vaut rien ou presque -, contribue à les maintenir dans cette condition-là ?
La journée du thé
Trois, quatre ou cinq fois par an nous y avons droit, je veux parler de la journée du thé. Divers organismes plus ou moins officiels, plus ou moins internationaux, ont décrété que tel jour du calendrier était celui du thé. Le quinze décembre, par exemple. Soit. Pour ma part, la journée du thé c’est tous les jours, et dès le matin : un bon thé au réveil. Puis, plus tard dans la journée, un thé pour me faire du bien, un autre à partager avec des collègues, des amis, et encore un thé avant la nuit – ici, un chaï -, pour le plaisir de me laisser envahir par ses parfums. Une journée sans thé ? Misère !