Dans la région du Triangle d’or, on trouve des théiers pas tout à fait comme les autres. Au lieu de les maintenir à une taille basse afin de faciliter la récolte des feuilles, on les laisse pousser comme des arbres. A l’heure de la récolte, il faut alors monter dans ces camellia qui peuvent avoir plusieurs centaines d’années. Les feuilles issues de ces théiers sont particulièrement recherchées pour la manufacture des pu erh ou thés sombres.
Des machines chinoises à l’origine du renouveau népalais
Le Népal produit du thé depuis près de deux siècles. A l’origine, sa culture et l’organisation de ses plantations se sont faites à l’instar de ce qui existe à Darjeeling. Mais les choses ont depuis évolué de façon considérable. Il y a un peu plus de dix ans, plusieurs producteurs de thé assez passionnés pour aller voir ce qui se passe ailleurs, rapportent de Taiwan ou de Chine différentes machines de petite capacité permettant de travailler la feuille autrement et de façon beaucoup plus artisanale. Ces machines sont aujourd’hui largement utilisées dans la plupart des différentes coopératives du pays. Grâce à elles et à la passion de celles et ceux qui les utilisent, on peut déguster aujourd’hui des thés népalais de toute sorte : blancs, semi-oxydés, façonnés comme des perles. Et sur un plan gastronomique, des thés d’une qualité remarquable.
Le renouveau du thé népalais tel qu’on le connaît depuis une dizaine d’années vient donc de la rupture avec le système anglais.
Transmettre
Transmettre. Que peut-on faire de mieux dans la vie que de transmettre ? Mon métier de chercheur de thé est aussi un métier de passeur. Un passeur qui fait le lien entre le fermier qui manufacture ses thés et l’amateur de thé qui les déguste. Un passeur qui partage ses connaissance sitôt acquises. Un passeur qui donne la main à ses équipes et les invite sur place, dans les champs de thé, dans les fermes, et les fait participer à ces moments uniques, ces rencontres inoubliables avec des villageois d’une gentillesse rare, d’une hospitalité inégalable, d’une générosité immense.
Ici, au Népal, dans la vallée d’Ilam, de La Mandala à Pathivara en passant par Tinjure, Shangri-la, Arya Tara et. Panitar, en compagnie de Carole, Fabienne, Oxana, Sofia, David, Léo et Mathias.
Ne pas se fier à un nom, même prestigieux
Ce qui est compliqué à comprendre dans le thé, c’est que l’on ne peut pas se fier à un nom et en conclure à un certain niveau de qualité. Pour la bonne et simple raison que le thé pousse dans des contrées dont les variations climatiques sont souvent fortes. Il en résulte d’importantes variations de la qualité. Un exemple : pendant la mousson, il pleut sans discontinuer durant des semaines et le thé est forcément mauvais. Une plantation prestigieuse, qui produit durant les meilleures saisons des thés parfois remarquables, est bien incapable de le faire durant la saison des pluies. Un jardin prestigieux propose donc aussi de mauvais thés. D’où l’importance pour le chercheur de thé que je suis de toujours déguster avant d’acheter, et ne jamais se fier à un nom. D’où l’importance pour le client particulier d’être bien informé, bien conseillé, par des vendeurs compétents.
Une appellation peu précise
On parle de « récolte de printemps » pour désigner les premiers Darjeeling de l’année mais en réalité cette appellation est légèrement trompeuse dans la mesure où la récolte ne coïncide pas tout à fait avec la saison. Pour deux raisons. D’une part, les plantations de basse altitude qui pratiquent l’irrigation bénéficient de températures plus clémentes et produisent quelques fois de petits lots dès la fin février. D’autre part, on récolte tous les 8 à 10 jours les feuilles qui poussent sur un même rameau, or il se trouve qu’après trois pousses successives, le rameau contrarié donne une pousse latérale de moindre qualité (appelée banjhi) qui marque la fin des premières récoltes. La récolte de printemps s’arrête donc en réalité aux alentours de mi-avril.
Déguster en extérieur
La visite d’une plantation de thé s’accompagne toujours d’une dégustation. Celle-ci a lieu dans la pièce qui lui est réservée, face à la lumière du dehors. Cependant, il peut arriver que la dégustation ait lieu en extérieur. C’est le cas lorsque la factory est trop petite ou ne dispose pas de l’équipement adéquat. Avec un peu de chance, on pourra alors jouir d’un paysage magnifique en même temps que l’on fera rouler dans sa bouche la liqueur. Ici, à Pathivara (Népal), une belle table en pierre sert de support.
Admirer
Quelle est la personnalité que vous admirez le plus, me demande Sylvie Lavabre, journaliste à LSA, à l’occasion d’un portrait chinois. J’admire les gens qui ne baissent pas les bras, j’admire les aventuriers, les artistes. J’admire aussi la tolérance, la non-violence. J’admire les gens qui ne se compromettent pas, qui sont capable de poursuivre un autre but que de celui de gagner davantage d’argent, de conquérir davantage de pouvoir. J’admire les altruistes, ceux qui pensent que le bonheur des autres fera leur bonheur. J’admire les premiers de la classe, les champions, les Meilleurs Ouvriers de France et tous les gens qui osent. J’admire ceux qui ratent et s’en remettent et trouvent la force de redémarrer. J’admire ceux qui consacrent une partie de leur vie ou bien leur vie entière à élever les autres, élever des enfants, éduquer, enseigner. J’admire enfin les gens qui savent trouver le bonheur dans ce qu’ils ont.
Le temps de la sécurité
Ma sélection de Darjeeling de Printemps est terminée, 12 Grands Crus au total. De Puttabong à Thurbo en passant par Namring Upper et Highlands, elle représente ce que ces montagnes ont produit de meilleur au cours de la saison. Je souhaite maintenant partager avec vous les étapes postérieures à l’achat d’un thé d’une qualité exceptionnelle, à l’instar de chacun des thés de cette famille : le thé est emballé dans la plantation elle-même puis transporté par camion jusqu’à l’aéroport le plus proche. De là, il rejoint Paris pour être aussitôt acheminé vers les entrepôts de Palais des Thés. Un échantillon du lot est alors envoyé en laboratoire, le temps d’être analysé. Dès la confirmation de la conformité du thé à l’engagement Safetea qui fait la fierté de Palais des Thés, il est dispatché vers les différentes boutiques. De la plantation à la tasse, il faut accepter un délai incompressible de plusieurs semaines, gage de qualité et de sécurité.
Des talus et des haies
Lorsque je traverse certaines régions de France, je suis effaré. Où sont les haies ? Où sont les talus ? Lors de mes voyages lointains, si je rencontre une plantation de thé qui s’étend à perte de vue, sans un arbre, sans un talus, sans une haie, je pars en courant. Je sais bien que je ne peux pas y trouver un thé propre, un thé produit dans des conditions respectueuses de la nature. Pour produire un thé propre, sans produits phytosanitaires, on a besoin de la nature. On a besoin des coccinelles pour attaquer d’autres insectes, on a besoin des oiseaux pour en éliminer à leur tour, on a besoin des vers de terre pour aérer les sols, on a parfois besoin des vaches pour que leurs bouses mêlées à des déchets végétaux nourrissent les vers et enrichissent les sols. Et toutes ces bêtes ne peuvent être présentes que si elles disposent d’un habitat. Donc un talus. Donc une haie. Des arbres. Voire une étable. Dans mon métier de chercheur de thé – métier qui consiste à découvrir un bon produit issu d’une agriculture respectueuse, issu de méthodes culturales propres et pérennes-, un champ d’un seul tenant sur des centaines d’hectares est une vision d’horreur.
Ici, à Poobong (Inde), un paysage qui offre la possibilité d’une biodiversité.
Des œufs au thé
Si vous n’avez jamais cuisiné avec du thé, voici pour vous lancer la recette la plus simple, celle des œufs marbrés. Pâques approche, il n’est pas question ici de chocolat, mais avec les œufs on reste quand même dans le thème. Et après tout, rien ne vous empêche de les cacher ensuite si vous êtes d’humeur farceuse.
Faites durcir vos œufs puis passez les sous l’eau froide. Craquelez la coquille en cognant doucement l’œuf dur de tout côté. Puis plonger l’œuf dans l’eau frémissante durant 20 minutes avec 15 grammes de pu erh impérial (pour 300ml d’eau), un bâton de cannelle, une cuillère à soupe de sauce soja, deux anis étoilés et une pincée de sel. Ensuite, laisser refroidir le tout et garder au frais durant 48 heures.