La première étape de la dégustation de thé consiste à observer la feuille. On en renverse un peu sur un support neutre comme une feuille de papier cartonnée, on examine la qualité de la cueillette, la couleur de feuilles, leur taille, leur régularité… On peut déjà se faire une bonne opinion de ce que l’on va déguster.
Au pied du mont Mulange
Au Malawi, le thé pousse au sud. Nous sommes ici à l’extrémité méridionale de la vallée du grand rift, au pied du mont Mulange. Il parait que de là-haut la vue est splendide, je veux bien le croire et je compte bien faire un jour l’excursion. En attendant, d’en bas la vue n’est pas mal non plus, je trouve, végétale et minérale à la fois. Cette étendue verte repose l’œil. Un cadre de travail assez idyllique.
D’une terre à l’autre
Si je vous parle de terre battue, vous allez penser que je suis un adepte des championnats de tennis qui se déroulent en ce moment à Roland-Garros. Pourtant il n’en est rien. L’évocation de cette terre couleur de brique me transporte plutôt dans les champs de thé, ceux du Malawi, par exemple. La piste dessine une balafre au coeur de l’étendue vert-tendre des théiers. A mille milles – pour reprendre l’expression d’un autre aviateur célèbre – de la porte d’Auteuil. La foule en moins. Le silence en plus.
Rencontre au détour d’un chemin
Cette femme a 95 ans. Elle vit dans une ferme complètement isolée, avec son mari. Ils vivent seuls, à flanc de montagne, loin de toute habitation, avec juste quelques poules et un peu de terre à cultiver. Un chemin minuscule mène à leur maison. Il est si étroit que l’on y pose les pieds l’un devant l’autre. Je lui ai rendu visite la semaine dernière, lors d’une marche dans les montagnes, à l’est du Népal. J’étais avec Andrew, planteur de Guranse qui partage avec moi le goût des longues promenades. Elle a préparé un thé pendant que nous discutions avec son mari. Elle nous a amené le thé dans un gobelet en métal et dans une coupelle à part elle a jeté une poignée de céréales. Nous avons versé le thé au lait, assez poivré, sur les céréales et nous les avons mangées. Nous avons bu le thé qui restait. Nous avons bavardé longtemps avec elle et son mari, sur le pas de leur maison, sous une ruche. Elle et lui nous parlaient sans arrêt. Elle comprenait mon médiocre hindi mais ne s’exprimait qu’en népali. Andrew me traduisait. Quand j’arrivais à l’interrompre, je lui posais des questions. Son secret de longévité ? Manger de la nourriture saine, des produits frais que l’on fait pousser soi-même. Et l’amour, n’était-ce pas aussi lui, le secret de leur longévité ? Elle a ri, échangé un regard tendre, drôlement émouvant, avec son mari. Ils se sont mariés quand elle avait 11 ans. Il en avait 15. Ils s’aiment. Cela fait plus de quatre-vingts ans. Au moment de partir ils nous ont pris les mains, ils nous ont aussi bénis en posant les leurs sur nos fronts. Et ils nous ont demandé si, plus tard, lorsqu’ils ne seraient plus là, nous pourrions une fois, juste une fois, avoir une pensée pour eux.
Promenade autour des plantations
Je ne visite jamais une plantation de thé sans aller me balader dans les villages alentours. L’occasion d’observer les conditions de vie, de rencontrer les habitants, peut-être de s’asseoir sur le seuil d’une maison et de bavarder. Et d’être un objet de curiosité pour des cohortes d’enfants souvent rigolards !
Le Malawi : une belle découverte
Il n’y a pas qu’en Asie que l’on fait de bons thés, en Afrique aussi, si l’on sait les trouver. Je rentre tout juste du Malawi. Des paysages d’une beauté exceptionnelle. A couper le souffle. Et, de la part des habitants de ce pays, une gentillesse, une attention, une spontanéité qui font un bien fou.
Mes pensées vont vers le Népal
Je voyage souvent dans les régions himalayennes, je suis très attaché à ces montagnes, aux gens qui les habitent. J’ai beaucoup d’affection pour les Népalais. J’ai beaucoup d’amis aussi bien au Népal qu’à Darjeeling. Dans ces régions du monde, je me sens chez moi. Je pourrais y vivre, y avoir ma maison, mes amis, ma vie. Par chance, mes amis qui travaillent dans les champs de thé sont sains et saufs, mais ils sont anxieux, ils attendent des nouvelles de leurs proches qui vivent dans le centre du pays. Ils redoutent le pire.
Et puis il y a toutes ces victimes qui ont péri, ces milliers d’âmes, tout cet amas de douleur, de tristesse de leurs proches. Que ces drapeaux qui flottent au vent prennent soin de ces âmes, les transportent, que nos prières les entourent, les accompagnent, que nos prières leur fassent un peu de chaleur… Que ces drapeaux disent notre amour pour ces disparus dont les âmes flottent au vent.
Des nouvelles du Népal
Flash info. Nouvelles du Népal : nous avons pris contact avec nos fermiers partenaires auprès de qui nous achetons en direct nos thés : ils vont tous bien, n’ont eu aucun dommage matériel, les vallées où le thé pousse étant nettement plus à l’est du Népal.
Un bilan des Darjeeling de printemps 2015
Lorsque vous récoltez plusieurs fois de suite le bourgeon terminal du théier, le rameau, contrarié, cesse de produire un nouveau bourgeon. Ce phénomène de bourgeon dormant que l’on nomme « banjhi », à Darjeeling, marque la fin des récoltes de printemps.
Si je devais dresser un bilan de cette saison à Darjeeling, je dirais que j’ai reçu des lots de qualité très inégale, et peu de lots d’une qualité exceptionnelle. Mais je termine en beauté sur la sélection d’un Puttabong Clonal Queen DJ48 et un Margaret’s Hope Tippy Clonal DJ30. Le premier correspond à ce que Puttabong sait faire de mieux, le second est tout simplement époustouflant.
Le thé, c’est aussi une histoire de rencontres et d’émotion
Derrière chaque grand cru, derrière chaque thé, il y a un travail, il y a des gens. Mon travail, tel que je l’entends, ne se limite pas à tenter de dénicher les meilleurs thés du monde, il consiste également à me tenir proche de ceux qui les font. A déguster avec eux. A les écouter parler de leur production. Du coup, lorsque je suis dans un Palais des Thés et que je regarde cet impressionnant mur de boîtes, ce ne sont pas des noms de thés sur des étiquettes que je vois, ce sont des visages, comme celui de Vikas Gajmer, manager de Castleton (Darjeeling).