De la plante à la tasse

Au Japon, la relève en question

13 juillet 2023
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Il y a quelque chose qui vous frappe lorsque vous visitez des fermes de thé au Japon, que vous allez de manufacture en manufacture, c’est l’âge des exploitants. Souvent ces couples représentent la quatrième, cinquième, sixième génération, mais quand on les questionne à propos de la relève, bien souvent il n’y a plus personne après eux. Ils n’ont pas ou peu d’enfants, rarement enclins à s’inscrire dans la continuité familiale. Un vrai défi pour les productions de thé au Japon. Certes, les terres ne vont pas disparaître et les théiers sans doute pas non plus, les champs seront repris par une importante société de thé, mais cette mosaïque de très petits producteurs qui cultivent en moyenne environ cinq hectares, contribue à la richesse gastronomique du thé puisque chacun travaille les cultivars de son choix et en fonction de son terroir. Il me semble que c’est important de se fournir chez eux le plus longtemps possible, afin de donner toutes les chances à une aléatoire relève.

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Agriculture biologique : des pratiques perfectibles

7 juillet 2023
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A la suite de mon dernier billet, j’ai reçu des commentaires qui me semblent intéressants à rapporter. Au préalable, je tiens à préciser que l’Inde est un pays pour lequel j’éprouve un profond attachement, et la région de Darjeeling, je l’ai visitée plusieurs dizaines de fois, c’est vous dire si elle m’est chère. Enfin, en plus de 30 ans, Palais des Thés a multiplié les initiatives pour faire connaître les merveilleux thés en provenance de cette région du monde.

Je fais la synthèse des remarques reçues et je tiens à souligner que ce problème de pesticide qui ne devrait jamais se retrouver a fortiori dans un thé labellisé « AB » ne concerne pas que l’Inde. Dans d’autres pays, la même chose pourrait se produire. Les remarques en provenance d’amis producteurs et que je partage avec vous sont les suivantes  :

–        Le pesticide incriminé ne se trouve pas facilement, son usage est devenu rarissime dans le thé. En revanche, des pulvérisations de DDT par les autorités existent et ce afin de lutter contre le paludisme dans de rares zones particulièrement infestées ; ces pulvérisations qui gagneraient à être réalisées à l’aide de produits de substitution peuvent se retrouver sur les productions agricoles alentour ;

–        La création de barrières végétales entre les routes et les champs, ainsi qu’autour des habitations a été au cœur de nombreuses discussions avec les autorités sanitaires régionales ; c’est une solution facile à mettre en œuvre dans les cas où la lutte contre la présence du moustique porteur du parasite à l’origine de la malaria s’avère indispensable ;

–        Parfois, une proximité excessive entre la personne en charge de la certification et le propriétaire de la parcelle nuit au sérieux de ladite mission et aboutit à un contrôle de pure forme ;

Un élément me semble important à souligner, que peu de consommateurs connaissent : les certifications de type « AB » reposent essentiellement sur l’examen de pièces diverses, et les organismes en charge de ces certifications ne procèdent pas systématiquement à des analyses en laboratoire. Notre santé comme celle de nos clients est primordiale, voilà pourquoi j’aborde ce sujet ici de la façon la plus simple, la plus transparente possible.

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Hojicha, merveilleux thé grillé

23 juin 2023
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Le plus connu des thés grillés japonais, le hojicha (parfois orthographié houjicha ou encore hôjicha), est fait à partir du thé bancha, issu de la récolte d’automne. Après avoir suivi le process de fabrication traditionnel d’un thé vert japonais (étuvage, façonnage, séchage), il est passé au  four durant 5 minutes à 150 degrés, d’abord, puis à 300 degrés ensuite, durant une durée analogue. De nos jours, le hojicha est davantage consommé dans les parties du pays où le thé ne pousse pas, donc au nord de Tokyo et principalement sur l’île d’Hokkaido. Pour les amateurs d’accords gastronomiques, servi tiède ou à température ambiante, ses notes boisées et animales accompagnent à merveille la dégustation d’un pont-l’evêque, d’un livarot, ou de tout autre fromage à pâte molle et à croûte lavée ou fleurie.

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Une taille mécanique

16 juin 2023
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Au Japon, la récolte la plus prestigieuse de l’année a lieu entre fin avril et début mai. C’est à ce moment-là que l’on manufacture les fameux ichibancha, ou thés de la première récolte. Au début du mois de juin a lieu la taille suivante. Elle donne des thés intéressants mais qui ne sont toutefois pas au niveau des précédents. Ici, dans les environs de Shizuoka, je participe à ma manière aux opérations, au volant d’une Kawasaki assez différente de celles que l’on peut voir circuler dans les rues de nos villes. Pour des raisons de coûts de main-d’œuvre, le Japon est l’un des rares pays au monde à avoir mécanisé ses opérations de cueillette.

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Un missionnaire nommé Lucas

26 mai 2023
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Dans les Pyrénées, sur les hauteurs d’Argelès-Gazost, Lucas fait figure de  missionnaire. Diplôme d’ingénieur agronome en poche, il décide de revenir sur les terres familiales afin d’y introduire la culture du thé. Après avoir passé du temps avec des producteurs au Laos, en Indonésie, en Chine, au Népal, voilà notre pionnier aujourd’hui à la tête d’une toute jeune exploitation de plusieurs milliers de plants. Il surveille chacun d’entre eux comme le lait sur le feu, observe le développement de chaque cultivar, et manufacture déjà de délicieux crus qu’il prépare au gaiwan, cet ustensile venu de Chine et qui permet si bien à la feuille de s’exprimer. A la fois humble et d’une grande volonté, confiant, Lucas ambitionne de créer un véritable modèle de culture de thé européen, pérenne, exemplaire en termes d’agroécologie. C’est ce qu’il explique ici à Sidonie qui m’accompagne, le temps de l’enregistrement de notre podcast, «Un thé, un voyage». 

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La simplicité du gaiwan

5 mai 2023
La simplicité du gaiwan

Sans parler du set à déguster parfois utilisé par les professionnels, il existe diverses manières de faire infuser le thé. Le zhong ou le gaiwan, en Chine, le shiboridashi ou le kyusu, au Japon. En Occident, le récipient le plus utilisé se nomme une théière. Mais pourquoi ne pas explorer des territoires moins connus ? Aujourd’hui je voudrais vous parler du gaiwan, cet objet dénué de toute prétention se compose d’une sorte de bol et de son couvercle. Dans un premier temps, observons-le de l’extérieur tandis qu’à l’intérieur les feuilles sont en train d’infuser. L’avantage du gaiwan réside dans sa plus extrême simplicité et dans sa radicalité. Faire infuser le thé, c’est quoi ? C’est mettre en contact les feuilles de thé avec de l’eau. Ainsi, les feuilles en s’ouvrant libèrent leurs arômes et leurs autres composants. Difficile pour une feuille de thé de prendre davantage ses aises que dans cet ustensile remarquable. Je pourrais tout de suite vous montrer l’intérieur du gaiwan, mais je préfère attendre dans la mesure où ce que j’apprécie plus que tout lorsque je me prépare un thé c’est contempler l’objet dans lequel il infuse, sa couleur, la façon dont les changements de lumière se reflètent, influent sur sa matière, j’observe la rugosité de sa terre, les paysages dans lesquels la contemplation de cet objet m’emmène. Ce gaiwan a été réalisé en France, dans le Périgord, par une céramiste de talent qui se nomme Manon Clouzeau. Observons encore notre thé qui infuse sous ce délicat couvercle dont la préhension est si aisée. Je vous laisse contempler et vous donne déjà rendez-vous. La semaine prochaine, j’enlève le haut. 

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Darjeeling, quel modèle retenir ?

21 avril 2023
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Des propriétaires qui se plaignent, des ouvriers qui rechignent, des acheteurs qui peu à peu désertent devant les hausses à répétition et des thés appelés à tort Darjeeling qui circulent. Si on aime Darjeeling et ses habitants, on ne peut pas rester les bras ballants devant cette situation. Alors que faire ? Quel avenir radieux pourrait-on imaginer pour cette ville qui aime à se faire appeler la Reine des Montagnes et pour ce thé prestigieux qui revendique de façon contestable juridiquement l’appellation de « Champagne du thé » ? Si on veut que les paysans restent à travailler dans les plantations, il faut qu’ils soient heureux, sinon leurs enfants partiront. Donc il faut qu’ils soient mieux considérés et le salaire est un élément parmi d’autres de cette indispensable considération. Par ailleurs et si l’on parle d’avenir, les propriétaires des plantations doivent être prêts à investir. Ce qui est de moins en moins le cas à l’heure actuelle car le profil de nombre d’entre eux a changé, et l’exigence d’un retour sur investissement rapide a souvent remplacé une vision à long-terme. Enfin, on ne peut pas accepter que le thé soit coupé avec un autre pour faire baisser son prix de revient, ni que l’acheteur soit indéfiniment la variable d’ajustement de cette équation.

Une solution pourrait être celle-ci : des ouvriers plus qualifiés, mieux rémunérés, moins nombreux, des tâches davantage mécanisées à condition que cela ne se fasse pas au détriment de la qualité, notamment en haute saison. Ou alors, autre solution possible : que les plantations achètent les feuilles aux paysans auxquels on aurait rendu les terres. A charge pour eux de récolter les feuilles. Ils négocieraient avec l’une ou l’autre factory le fruit de la cueillette, prendraient à leur charge les activités de taille… Et la plantation se consacrerait à la transformation de la feuille de thé, puis à sa commercialisation. Si l’on est aussi attaché que je le suis au Pays des Orages (Dorje-Ling) et que l’on rêve à un avenir radieux, voici de possibles solutions. Il en existe sûrement d’autres.

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Pour que Darjeeling se réinvente

14 avril 2023
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Année après année, la situation à Darjeeling n’évolue pas de façon heureuse. Je ne veux pas parler ici de la situation politique, fragile depuis des décennies, mais du marché du thé. Chaque année, les premières récoltes se négocient un peu plus cher alors que le thé n’est pas meilleur pour autant. Sur un autre plan, les employés des plantations se plaignent à juste titre de salaires très bas. Et paradoxalement, les propriétaires eux revendiquent tous, outre des charges en forte hausse, une absence de profitabilité voire des pertes d’exploitation. Et l’on voit même des jardins fermer. Pour mémoire, les propriétaires des plantations louent les terres à l’Etat. Et le planteur, celui qui dirige la plantation, est un salarié comme un autre, et parfois il quitte le domaine, quand cela fait des mois qu’il n’est pas payé, par exemple. Pour couronner le tout, il se vend beaucoup plus de thé de Darjeeling dans le monde qu’il n’en est produit, la faute à toutes sortes de trafics qui commencent sur place.

Sur ce sujet, les Indiens sont prompts à accuser les Népalais de tous les maux, de copier les thés de Darjeeling, par exemple, ils se trompent. D’une part, les Indiens ne sont pas les derniers et loin de là à importer des thés du Népal pour les commercialiser ensuite en tant que thés de Darjeeling. D’autre part, les Népalais depuis une ou deux décennies se mettent à produire de délicieux thés, souvent d’un niveau largement équivalent à ceux de Darjeeling, voire supérieur, et pour la moitié du prix. Il ne s’agit ici en aucun cas de contrefaçon, plutôt de compétition. Où est l’erreur ? Un niveau de vie moindre au Népal et des fermiers indépendants qui ne comptent pas les heures peuvent expliquer une partie de l’équation. Quoi qu’il en soit, il va falloir que Darjeeling se réinvente… (à suivre…)

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Une année qui commence bien

7 avril 2023
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Le premier thé de l’année en provenance des contreforts himalayens à rejoindre Paris représente toujours un temps fort. D’une part, c’est à Darjeeling d’abord, avant la Chine, avant le Japon – et pour ne s’en tenir qu’aux régions de thé les plus prestigieuses au monde – que les théiers sortent de leur hibernation. Cette année, d’autre part, le premier thé à nous arriver est un Puttabong DJ1. DJ1 signifie qu’il s’agit du premier lot manufacturé de l’année. Puttabong bénéficie par ailleurs d’une aura toute particulière puisqu’il s’agit du premier jardin créé par les Anglais au milieu du XIXème siècle dans cette région du monde située aux confins du Tibet, du Népal, du Bhoutan. Le premier thé du premier jardin, frais et floral, aux effluves subtilement vanillées, zestées, amandées… Voici une année qui commence bien.

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La face sombre du thé

31 mars 2023
La face sombre du thé

En ces temps de manifestations et de débordements divers, à l’heure où les mots « blacks » et « darks » envahissent notre quotidien, je voudrais vous dire que le thé aussi comporte une face sombre. Les galettes de pu er, pour ne pas les nommer, sont constituées de thé fermenté, donc de thé sombre puisque c’est ainsi que les Chinois ont décidé de les distinguer, il y a de ça plus d’un millénaire. Sitôt étuvées, ces feuilles sont compressées en blocs lesquels épousent la forme d’une brique, d’une galette ou, plus bucolique, d’un nid d’oiseau. Ces thés compressés – que l’on pourrait désigner ici en anglais par l’appellation « dark blocs » -, se bonifient avec le temps. Au moment de les déguster, on les brise sur un côté et les feuilles s’émiettent. Ce sont elles que l’on infuse, de préférence dans un gaiwan et plusieurs fois de suite, jusqu’à ce qu’elles aient donné tout ce qu’elles avaient à nous rendre.

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