On peut déguster son thé dans sa cuisine, dans son salon ou encore au lit. On peut déguster son thé sur son balcon, dans son jardin, à sa table de travail, on peut déguster son thé face à un jolie vue. On peut aussi déguster son thé dans la plantation elle-même. On recouvre une table toute simple d’un tissu de couleur rouge, pour rompre avec le vert ; on dispose ensuite les feuilles sèches sur un support blanc afin de les observer le temps que la liqueur parvienne à la bonne température, puis l’on savoure son thé au milieu des théiers, ceux-là même dont il est issu. Merci à Vinod Kumar pour cette belle dégustation dans la plantation d’Achoor.
Portraits
Derrière les thés que vous aimez il y a des visages
Lorsque l’on se prépare un thé, on peut avoir envie d’en savoir davantage sur le breuvage en question, par exemple découvrir le paysage qui l’a vu naître, ou bien faire connaissance avec celles ou ceux qui ont participé à sa manufacture. Tant mieux si mon blog peut vous offrir cette possibilité ! Pour les amateurs du thé du nord de la Thaïlande (Milky oolong, par exemple), voici les visages de cueilleuses de Mae Salong en pleine récolte des feuilles.
Madame Ming, une femme exceptionnelle
Dans le monde du thé, Madame Ming fait figure d’exception. Rares sont les femmes à la tête d’une exploitation de thé. Et non seulement Madame Ming produit des oolongs remarquables, mais encore est-elle une pionnière puisqu’à l’origine de l’introduction du thé autour de Mae Salong. Depuis, manufacturer des thés peu oxydés à la façon de Taiwan est devenu une mode dans cette partie du Triangle d’Or située aux confins de la Thaïlande et du Myanmar (Birmanie).
J’ai rencontré Madame Ming il y a près de dix ans grâce à Augustin, l’un de mes neveux qui parcourait à moto ces montagnes reculées et auquel j’avais demandé, sitôt qu’il rencontrerait des théiers, de me prévenir.
Madame Ming me réserve ses meilleurs thés – Jade Oolong, Ruby Oolong, Milky Oolong et autres Thai Beauty, ainsi que ce genre d’amitié qui dure une vie.
Audacieuse et exigeante, Madame Ming ne se repose pas sur ses lauriers, elle expérimente, innove, s’essaye avec succès aux thés noirs et sombres. J’ai d’ores et déjà sélectionné certains d’entre eux que vous pourrez bientôt découvrir.
Autant de thés que d’ethnies distinctes
Le Triangle d’or constitue pour l’amateur de thé une région à part. Tout d’abord, le thé y est sans doute né, ça n’est pas rien. Et, de nos jours, il existe dans ces replis montagneux et peu accessibles au moins autant de thés que d’ethnies distinctes. Du sud du Yunnan à l’est du Myanmar en passant par le nord du Laos, de la Thaïlande et du Vietnam, on rencontre beaucoup de costumes et autant de coutumes différentes. Le thé se manufacture blanc, noir, vert, bleu-vert ou bien sombre, selon le goût local. Certains méritent même l’appellation de Grand Cru. Et il reste de nombreuses fermes à découvrir sur les flancs de ces innombrables montagnes couvertes de brumes et de légendes. Une mine pour un chercheur de thé en quête de belles découvertes !
Encourager à produire le meilleur et dans les meilleures conditions
Le Sri Lanka est un pays magnifique, en paix maintenant. Des paysages extraordinaires, des théiers à perte de vue. Les plus beaux thés du pays sont produits dans le sud, à proximité de la remarquable forêt de Sinharaja, on les appelle les low growns. Plus au nord, les thés sont produits d’une façon plus industrielle, héritage de l’époque coloniale. Sur ces hauts plateaux du nord, on pourrait y faire de meilleurs thés si l’on cessait d’utiliser une machine que l’on nomme rotorvane et qui malmène la feuille afin d’accélérer le process d’oxydation. On aurait aussi envie, dans cette région dont les paysages ainsi que le climat rappelaient leur pays natal aux Ecossais, de tomber plus souvent sur des paysans propriétaires de leur terre et cultivant le thé pour leur compte, plutôt que des salariés – souvent des femmes – dont les conditions de travail méritent d’être améliorées. Cette organisation équitable se pratique avec bonheur dans les fameux low growns (à New Vithanakande, par exemple, pour ne citer que le plus fameux jardin de cette région).
A l’occasion de la venue en France de Navin Dissanayake, ministre de l’industrie du thé du Sri Lanka et en compagnie de Buddhi K. Athauda, ambassadeur du Sri Lanka en France, dégustation et discussion informelle et chaleureuse pour répondre à leur demande de comprendre comment mieux faire connaître aux gastronomes français les fameux thés de Ceylan – aujourd’hui Sri Lanka.
Une dégustation pour objet
Déguster dans les meilleures conditions c’est se soucier de la qualité du thé, de la qualité et de la température de l’eau, de la durée d’infusion, bien sûr, mais aussi du contenant. Les grandes théières sont à proscrire, elles dénaturent l’infusion. Si on veut obtenir le meilleur de ses thés y compris et surtout les plus rares, le matériau et la contenance du récipient sont essentiels. Ici, séance de dégustation inspirante pour le fameux designer Patrick Norguet. Son objectif : s’approprier mon métier, comprendre ses contraintes et ses attentes afin de pouvoir, un jour, créer l’objet idéal pour déguster le thé. J’ai hâte.
Avec Bryan Esposito, chef pâtissier à l’hôtel du Collectionneur, à Paris
Faire découvrir l’incroyable richesse gustative du thé aux chefs d’aujourd’hui et de demain fait partie de ma mission, le pendant de mon travail sur le terrain avec les fermiers. D’un côté je sélectionne les Grands Crus, de l’autre, j’aide les chefs à se les approprier. Des thés, il en existe de différentes couleurs, de différentes origines et il existe également de très nombreux cépages. La richesse gastronomique du thé vient de chacune de ces variations. Il faut goûter pour comprendre et c’est ce que je fais ici en compagnie de Bryan Esposito, chef pâtissier à l’hôtel du Collectionneur à Paris et ancien chef pâtissier de l’hôtel Westminster. Faire découvrir la richesse gustative du thé c’est aussi appréhender la manière d’obtenir la liqueur la plus appropriée à l’usage souhaité. Le dosage, le temps et le mode d’infusion d’un thé ne seront pas les mêmes selon que l’on veut obtenir une liqueur qui sera dégustée telle quelle ou bien intégrée à une recette. Les paramètres de l’infusion sont intéressants à travailler, de même que l’infusion à froid qui ouvre les portes à de nombreux usages en cuisine. Inutile de vous dire que j’ai hâte de savourer les prochaines créations de Bryan !
Dégustation de grands crus avec Anne-Sophie Pic
Cette semaine, j’ai eu l’immense joie de déguster une belle sélection de Grands Crus en compagnie d’Anne-Sophie Pic et de ses équipes de sommeliers. Une immense joie car Anne-Sophie Pic est d’une gentillesse et d’une prévenance extrêmes et m’a reçu, à Valence, comme un roi. Une immense joie car Anne-Sophie Pic affiche une soif d’apprendre et une disponibilité remarquables quand on sait qu’elle est la seule Française triplement étoilée. A l’écoute, attentive, curieuse. Nous avons dégusté des thés infusés, certains à chaud, d’autres à froid. Nous avons voyagé de Darjeeling au Japon en passant par le Népal, la Corée du Sud, le Viêt Nam et même l’Afrique, au rythme des dégustations. Nous avons échangé sur les usages du thé en cuisine, évoqué de possibles accords thés et mets. Quel bonheur que de participer, aussi modestement soit-il, à son inspiration ! Et quel luxe que de partager sa table ensuite, le temps d’un repas inoubliable, comme un feu d’artifice de textures, de saveurs et de parfums. Merci Anne-Sophie.
Une ferme à taille humaine
Le thé peut être produit dans un immense domaine sur lequel vivent parfois un millier d’habitants, il peut être produit dans une coopérative réunissant différents petits producteurs, il peut enfin être produit dans une simple ferme, comme ici, à Pathivara. La vie sociale diffère selon le modèle, celui de la ferme à taille humaine ayant ma préférence. Loin du cliché du planteur vivant coupé du monde dans son magnifique bungalow – héritage de l’ère anglaise -, lorsque le thé est produit dans une ferme, il arrive que les villageois viennent passer ensemble la fin de la journée. Ils s’assoient les uns à côté des autres. Et ils bavardent, bavardent, bavardent. Parfois on boit, parfois on joue de la musique, parfois on danse. La vie, tout simplement.
Avec le « père » de Pathivara
Parmi les plantations récentes qui font parler d’elles : Pathivara, au Népal. Me voici avec le père de la plantation, celui qui l’a initiée. En peu d’années, il a réussi l’exploit de produire des thés délicieux avec des moyens jusqu’ici plus que modestes. Des thés certifiés bios, de surcroît. Un nouveau bâtiment est en construction, j’en ai posé la première pierre lors de mon dernier séjour. Il accueillera des outils plus sophistiqués, ce qui n’empêche nullement l’équipe de manufacturer déjà de très beaux thés. Depuis le début du mois de juin, j’ai acheté pas moins de 3 lots : Pathivara Classic, Pathivara Black et Pathivara Dragon Yeti – on ne manque pas de poésie dans ces montagnes. Des thés très différents les uns des autres, des profils aromatiques très variés. Poésie et gastronomie sont ici réunies.