Alors, cette photo que j’ai prise à Kolkata m’amuse. D’abord parce que j’apprécie beaucoup boire du chaï lorsque je suis en Inde. Ensuite, parce que tous les principes du buveur de thé partent ici en fumée. Ce marchand ambulant de chaï fait bouillir son eau, met du lait dans son thé, ajoute moult épices et opère sans façons, assis sur un bout de carton posé à même le trottoir, et sans faire de chichis. C’est aussi cela, le thé : des gestes tout simples, de l’attention et, dans la tasse, une boisson absolument délicieuse. Vive le chaï !
Feuilles de thé sous abri
Entre le moment où les feuilles de thé sont récoltées et le moment où elles atteignent le bâtiment où elles seront travaillées, il ne faut à aucun prix qu’elles fermentent. Cela pourrait gâcher la qualité du thé. On trouve donc, à différents endroits des plantations, un petit abri tout simple conçu pour que les feuilles soient épargnées par la pluie en attendant d’être conduites à la factory.
L’amour court les rues
Sur la palissade de l’une de nos boutiques en travaux, en surplomb d’une tasse de thé tenue délicatement à deux mains et dont on ne sait si elle est offerte ou bien contemplée mais dont on sent qu’elle est au centre d’une attention, un graffiti me réjouit. C’est un ami qui me l’a signalé. Il s’agit d’une information de taille, un scoop, comme disent nos amis anglo-saxons. Il mérite que l’on s’y arrête. D’habitude, je vous emmène dans mes lointains voyages, au bout de la planète, le plus souvent en haut de montagnes couvertes de brumes, mais il faut bien avoir aussi un peu de présence au monde immédiat qui nous entoure et ne pas forcément se dire que l’herbe est plus verte, la vie forcément plus belle ailleurs. L’amour court les rues. Je me réjouis de cette bonne nouvelle. Parce que nous le voulons bien, les médias nous abreuvent à haut débit de mauvaises nouvelles et en oublient de nous donner des informations aussi essentielles que celles-ci : l’amour court les rues.
De Paris à Bamako, de Bruxelles à Istanbul, nous avons parfois de tristes occasions d’en douter mais l’amour court les rues puisque c’est écrit ici, c’est un évènement qui vaut largement d’autres dépêches. Le graffiti en question trouve sa place de surcroît dans une rue qui a vu passer Saint-Denis à qui on venait de couper la tête et qui la portait de ce fait entre ses mains, en route pour ce lieu sur lequel on bâtira la basilique éponyme, ainsi non seulement l’amour court-il les rues mais encore passe-t-il après les martyrs et rappelle-t-il ainsi que l’amour vaut bien plus que toutes les haines.
Et si ce tagueur avait raison ? Et si l’amour courait les rues mais que nous n’y prêtions pas attention, par manque de temps, manque de présence, manque d’attention, manque de disponibilité ? Manque d’altruisme, dirait Matthieu Ricard ? Il faudrait essayer d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple, écrivait Prévert ; nous pourrions essayer d’humaniser un peu les rues, de nous sourire, nous dire de petits mots gentils à la moindre occasion, nous prêter de l’attention, nous dire merci lorsque cela s’y prête, nous aider lorsque le besoin se devine. Oui, l’amour court les rues, accueillons-le au lieu de ne pas le voir, faisons-lui un peu de place. Cela ne tient qu’à nous. Ne le laissons pas s’enfuir.
Thé de Darjeeling et thés du Népal : deux écoles
Pour des raisons que je ne partage pas, les producteurs de thé de Darjeeling redoutent la concurrence de leurs voisins népalais. Ils estiment que ces derniers les copient et ont la possibilité de vendre moins cher leur production du fait de coûts moins élevés.
Certes, les thés du Népal offrent parfois de très bons rapports qualité-prix, mais ce ne sont pas des copies de Darjeeling. Il existe au Népal des planteurs passionnés qui savent que le Népal doit encore faire ses preuves pour être reconnu dans l’univers du thé et qui, en conséquence, vont chercher à innover. A Darjeeling, on vit davantage sur le confort qu’offre une réputation le plus souvent – mais pas toujours – méritée.
Deux mondes distincts, donc, l’innovation d’un côté, la tradition de l’autre. En cherchant bien et en étant très sélectif, on trouve d’excellents crus très différents des deux côtés de la frontière. Et il serait dommage de se priver des uns comme des autres.
Les Darjeeling se font désirer
Cultiver du thé n’est pas de tout repos. A Darjeeling, après un hiver trop sec, les pluies ont fini par venir mais, il y a quelques jours, une tempête de grêle d’une rare violence s’est abattue et a occasionné des dégâts considérables dans les plantations situées au nord du district. Par chance, entre les pluies et la grêle quelques très beaux lots ont été manufacturés et je suis heureux de vous annoncer l’arrivée prochaine de thés remarquables en provenance de Risheehat, Puttabong, Singbulli, Thurbo Moonlight, North Tukvar, DelmasBari et Turzum.
A propos de Turzum, voici un portrait que j’ai fait en mars d’Anil JHA, l’un des trois planteurs les plus réputés de Darjeeling. Il se concentre ici sur l’odeur de la feuille humide, à même l’intérieur du couvercle du set à déguster.
Pour My
Pour de nombreuses personnes qui l’exercent, le thé n’est pas un métier comme un autre. Il peut y avoir beaucoup d’amour dans le thé. Beaucoup de générosité et d’humanité. Il peut y avoir aussi beaucoup de passion chez les amateurs comme chez les producteurs et comme chez celles et ceux qui vous reçoivent dans nos boutiques et vous conseillent. A My, disparue beaucoup trop tôt et qui travaillait depuis de nombreuses années au Palais des Thés à Bruxelles, je dédie cette photo, pour elle qui aimait aussi dessiner.
Un Grand Cru venu du Kenya
Dans ma théière, ce matin, les feuilles de « Mount-Kenya Golden-Leaves » s’épanouissent. Il s’agit du premier grand cru que j’ai trouvé au Kenya et il nous arrive tout juste. Ses notes miellées, boisées, cirées et reglissées me ravissent. Elles réchauffent et célèbrent à leur façon l’hiver qui s’achève. Elles donnent envie de rester encore un peu au chaud, avec des choses douillettes autour de soi. Elles donnent envie de les humer, bol calé entre ses mains.
Un grand cru du Kenya est un événement. 3ème producteur et 1er exportateur de thé au monde, ce pays ne produit quasiment que des thés en poussière, pour l’industrie du sachet. Il faut donc encourager celles et ceux qui se lancent dans le défi de la qualité, récoltent les feuilles à la main et avec précaution, font de l’artisanat là où d’autres font de l’industrie.
Sur cette photo, le centre de recherche de Kangaita qui apporte une aide précieuse aux petits producteurs.
Le micro climat des plantations de Darjeeling
Dans la plantation de Delmas Bari, où j’étais il y a quelques jours, on arrosait certaines parcelles pour palier à la sécheresse. Sur ce versant de Darjeeling qui fait face au Sikkim, il n’a pas plu depuis octobre dernier. Ailleurs, il est tombé un peu d’eau les jours précédents. Cette disparité de climat d’une plantation à une autre pourtant distantes de quelques kilomètres à peine est l’une des spécificités de Darjeeling. Jusqu’au sein d’une même plantation il peut y avoir des différences de climat considérables. Heureusement, comme on peut le voir sur cette photo, les bourgeons – d’un vert-tendre – commencent à pousser. Sur cette parcelle, encore un ou deux jours de patience avant de pouvoir récolter sérieusement.
L’écharpe de bénédiction
En Inde, pour vous souhaiter la bienvenue, il arrive que l’on vous passe une écharpe de soie autour du cou et que l’on vous bénisse aussitôt. A DelmasBari, j’étais tellement désolé de constater l’état de sécheresse de la terre que devant mes hôtes, j’ai pris l’écharpe qui venait de m’être offerte, pour à mon tour bénir. J’ai béni l’un des théiers de la plantation, au nom de tous les autres, et j’ai prié pour que vienne la pluie.
En attendant la pluie à Darjeeling
A Darjeeling où je suis en ce moment, il n’a pas plu une goutte d’eau en janvier comme en février. Du coup, la plupart des plantations n’ont pas encore commencé à récolter. Seules celles qui possèdent des parcelles de basse altitude et qui pratiquent l’irrigation ont manufacturé quelques lots. Mais ici, les premiers thés ne sont jamais les meilleurs. A Darjeeling, lorsque l’on recherche la qualité, il faut savoir ne pas se précipiter.









