Je visite beaucoup d’endroits qui donnent envie de ne plus en repartir, je me trouve face à des paysages de rêve, une nature magnifique, je rencontre des gens d’une grande gentillesse, mais je reviens toujours, je reviens avec de délicieux thés, souvent, c’est mon métier, et puis avec ces photos que je peux partager avec vous, que je veux partager avec vous et qui sont aussi une manière pour moi de prolonger le voyage, des jours, des semaines plus tard. Ces photos, je vous les montre ici, je vous les explique en quelques lignes et cet exercice me transporte. Grâce à vous je suis revenu, je suis face à ces montagnes qui m’ont vu passer un peu trop vite et j’ai tout loisir de les contempler, ici, en votre compagnie.
Inde
Une terre bien tenue
Les pratiques agricoles évoluent avec le temps. Si autrefois on plantait parfois les théiers dans le sens de la pente ce qui se traduisait par des lignes verticales visibles sur la partie gauche de cette photo, aujourd’hui on va installer les jeunes plants suivant une ligne horizontale, ceci afin de limiter l’érosion des sols. Lors de fortes pluies, les eaux vont ruisseler plus lentement et les théiers vont mieux tenir la terre.
Mon ami Anil
J’ai connu Anil il y a plus de 10 ans. A l’époque il dirigeait une plantation de thé d’une très grande beauté, Thaishola, dans le sud de l’Inde. Je lui ai rendu visite à plusieurs reprises. Il m’a beaucoup appris. Il faisait sur ces montagnes que l’on nomme les Nilgiris des thés de qualité. Puis il a été auditeur pour des organismes qui certifient que le thé est produit d’un façon qui respecte la terre et les hommes. Un beau défi. Et aujourd’hui, grâce à son immense expérience, il conseille des plantations de thé. Récemment je lui ai rendu visite avec une équipe de Palais des Thés. Il a été aux petits soins pour nous. Il s’est mis en quatre pour nous organiser des rencontres avec ceux qu’il estime être les meilleurs producteurs de la région. Du matin au soir nous l‘avons harcelé de questions. Il nous a aussi permis de loger dans cet incroyable Ootacamund Club qui vous transporte deux cents ans en arrière, à l’époque de la reine Victoria. Il nous a consacré tout son temps. Jamais lassé par notre soif d’en savoir davantage sur le thé. Jamais avare ni d’une explication ni d’un bon mot. Merci Anil !
Partager sa passion
A travers ce blog qui fête sa septième année, j’ai plaisir à raconter le métier que j’exerce depuis plus de 30 ans, un métier qui peut se lire comme une passion. Le faire découvrir in situ à des équipes de Palais des Thés participe de ce bonheur et leur permet de lever le voile sur ce qui fait mon quotidien. Ils me suivent dans mes visites de champs de thé et je partage avec eux ce temps si important à mes yeux passé avec les fermiers, les planteurs, à comprendre chaque aspect de leur métier et de leur vie. Ici, de gauche à droite, Benoît (qu’un mauvais cadrage dont j’assume la responsabilité prive de son oreille droite), Audrey, Sylvie, Frédéric, Constance et Linda qui n’ont pas l’air malheureux du voyage.
Darjeeling, faits et chiffres
Le gaur : un désherbant puissant
Dans une plantation de thé, il m’arrive de tomber nez à nez avec des bestioles variées : charmantes coccinelles, ravissantes libellules, jolis papillons, araignées de toutes sortes, inoffensives pour certaines, un peu moins pour d’autres, mygales, sangsues, passereaux, rapaces, rongeurs, vers de terre, mangoustes, serpents longs comme le bras, cobras compris, chevreuils et j’en passe. Je rencontre le bison indien – que l’on nomme aussi gaur -dans le sud de l’Inde uniquement. Il est d’une puissance impressionnante. Les tigres, encore présents dans cette région, se mettent à plusieurs pour en faire leur repas. En attendant, le gaur se promène avec une certaine délicatesse entre les théiers. A défaut de se nourrir des feuilles de cet arbuste il raffole de toutes les mauvaises herbes qui poussent entre deux rangées. Une aide au désherbage, en somme.
Darjeeling manque de main d’œuvre
La situation à Darjeeling est contrastée. La vie a repris dans tout le district. Les routes, les boutiques, les hôtels sont à nouveau ouverts. Les plantations de thé, également. Mais l’ampleur de la tâche est considérable puisque les théiers ont disparu sous les mauvaises herbes. Rien de grave pour les arbustes, ils sont en parfaite santé, mais il faut couper toute cette végétation puis rabattre nos chers camellia sinensis afin qu’ils retrouvent leur taille initiale. Malheureusement, la main d’œuvre manque à Darjeeling. Durant les 3 mois qu’a duré le coup de force en vue d’une autonomie régionale, de nombreux hommes ont quitté les montagnes pour aller chercher du travail ailleurs. Et les plantations n’ont aujourd’hui pas assez de monde pour effectuer ce travail de défrichage et de taille. Or ce travail est essentiel pour espérer une belle récolte au printemps prochain. Sinon, le thé de Darjeeling va manquer et les faux Darjeeling, qui commencent déjà à circuler, vont envahir le marché. Cela serait une catastrophe pour Darjeeling et j’espère de tout mon cœur qu’elle ne se produira pas. Il va falloir être très vigilant.
Cultiver du thé : les conditions indispensables
A l’occasion d’une visite à l’Institut Himalayen des Ressources Biologiques, le Docteur Rakesh Kumar rappelle à celles et ceux que j’ai invités à partir en voyage avec moi les conditions indispensables à la culture du thé : un sol acide (ph compris entre 4,5 et 5,5), une température évoluant entre 15 et 32° ainsi que des précipitations abondantes (de l’ordre de 1.500 mm d’eau par an). Bien sûr, l’altitude, l’ensoleillement, la déclivité du terrain vont aussi influer sur la façon dont la plante va se comporter.
Je choisis cette photo pour illustrer ce qu’est la déclivité. Sans nul doute c’est dans les contreforts de l’Himalaya que je rencontre les pentes les plus raides. Des pluies abondantes et un sol bien drainé, un rêve pour le théier !
Vers des récoltes mécanisées ?
Récolter des feuilles de thé à la main nécessite une main d’œuvre extrêmement importante, mais la récolte manuelle est gage de qualité. Certains centres de recherche, comme ici dans le nord de l’Inde, travaillent à l’optimisation de la mécanisation. On taille les arbustes de façon différente et on cherche ainsi à définir quel type de coupe mécanique permettra demain les récoltes les plus abondantes. Inutile de vous dire que je redoute la mécanisation à venir même si, dans le seul cas du Japon, elle existe depuis longtemps et n’altère pas la qualité du thé du fait de l’extrême méticulosité des fermiers de ce pays.
(photo : Laurence Jouanno)
Des thés de qualité au pied des Dhauladhar
Les tensions qui règnent à Darjeeling, même si elles semblent connaître enfin une éclaircie, ont guidé ce mois-ci mes pas vers d’autres montagnes. Au pied de la chaîne des Dhauladhar, à un jet de pierre du Cachemire, s’étendent quelques plantations de thé qui méritent le détour. Pas seulement pour cette vue sublime qu’elles offrent sur le massif himalayen mais aussi pour les efforts des différents producteurs locaux, efforts qui portent leur fruits. Alors que la région a fait durant des décennies un thé vert assez commun, consommé localement, on y trouve depuis peu, en cherchant bien, des thés plus artisanaux et très variés, qui se dégustent avec beaucoup de plaisir. En contemplant les Dhauladhar, bien sûr.